Dans le contexte de crise sanitaire et de « distanciation sociale » et au-delà même de cette conjoncture, alors que les nouvelles technologies ont pris une place prépondérante dans notre quotidien, en Europe comme en Afrique Subsaharienne, la question de leur intérêt mérite toujours d’être posée.

L’accessibilité de ces technologies dites TIC est grandissante en Afrique Subsaharienne. Elle amène leurs promoteurs à les considérer comme LA solution aux problèmes des agriculteurs, allant des conseils agronomiques par SMS à la commercialisation via des plateformes mobiles, en passant par les crédits par téléphonie mobile.

Fert accompagne un monde agricole en mouvement perpétuel et dans lequel les radios, les télévisions et plus récemment la téléphonie et internet jouent un rôle de plus en plus important. Dans un souci de couverture plus large de services aux paysans, d’une plus grande efficacité de la communication ou pour lever certaines contraintes fortes (insécurité, coûts, distances), Fert et ses partenaires mobilisent ces technologies, en veillant à ce que celles-ci soient au service des agriculteurs, dans la durée et ne se substituent pas à ce qui fonde le développement agricole : des interactions en proximité, sur le terrain, entre agriculteurs et entre agriculteurs et techniciens.

Au Kenya, les agriculteurs accompagnés par CGA (OP nationale de producteurs de céréales) ont désormais accès aux prévisions météorologique et à l’analyse des sols

Dans le cadre d’un partenariat avec l’organisation hollandaise Agrocares BV (projet Cropmon), CGA a testé entre 2017 et 2019 plusieurs outils d’aide à la décision pour les producteurs de maïs et de blé. Il s’agissait de scanners mobiles de sol pour tester la composition des sols et ajuster la fertilisation. Ils étaient associés à un système de messagerie mobilisant des données météorologiques, de cartes de sols et de calendriers culturaux et envoyant des messages SMS donnant des conseils techniques. CGA a enregistré plus de 80 000 agriculteurs dans sa base de données géolocalisée et permis de tester grandeur nature l’efficacité des solutions proposées.

Les conseils techniques envoyés par SMS n’ont pas vraiment convaincu les utilisateurs, les modèles utilisés n’étant pas encore suffisamment adaptés aux contextes locaux. En revanche l’analyse de sols et les bulletins météo ont été très appréciés par les producteurs. Le projet Cropmon s’est achevé sans avoir permis à Agrocares de trouver un modèle économique stable. Suite à cet essai, CGA a décidé de rechercher des prestataires, au Kenya, qui seraient en mesure de fournir ces services à des tarifs préférentiels pour ses membres.

Christopher Koech, agriculteur dans le comté de Narok témoigne : « Avant, je m’appuyais sur ce que l’ ‘élite’ des producteurs faisait. Je croyais qu’il n’y avait que les très bons agriculteurs qui avaient des systèmes de prévision météo et j’ai finalement réalisé que ce n’était pas le cas. J’ai fait beaucoup d’erreurs. Avec Cropmon, j’ai arrêté de décider sur des suppositions. Je planifie mieux mes opérations agricoles. J’ai gagné en productivité. »

Point de vue d’Anthony Kioko, directeur de CGA

 « Même si au Kenya nous sommes dans un environnement où les solutions TIC sont très nombreuses, y compris en agriculture, nous ne croyons pas en une application qui révolutionnerait les services aux agriculteurs. Des applications spécifiques (dont certaines existent déjà) utilisées en combinaison peuvent améliorer l’efficacité de notre organisation professionnelle par la digitalisation des mécanismes de mise en œuvre de nos services (gestion de certains services, gestion de bases de données, communication dans les équipes et avec les membres). Cela ne sera pas au travers d’une « solution miracle » venant des innombrables projets et start-up dont la plupart n’ont pas réussi, jusque-là, à développer un modèle économique durable, passé la période de financement initial. »