Le rôle des femmes dans l’agriculture géorgienne
En Géorgie, les femmes jouent un rôle crucial dans les systèmes agricoles, en particulier dans la filière laitière où elles assurent la plupart des tâches liées à l’élevage et à la transformation du lait. Mais elles sont confrontées à des inégalités multiples, notamment en termes d’accès à la terre. Seules 20,7% des terres appartiennent à des femmes[1]. L’accès aux informations, aux technologies et aux financements gouvernementaux étant conditionnés à l’enregistrement foncier, elles ont un accès restreint à ces services. Cela limite leur potentiel à contribuer pleinement au développement économique et social de leur pays.
[1]D’après la note “Women in the rural economy in Georgia” publiée en 2022 par l’ONU femmes – https://georgia.unwomen.org/
« Le rôle des femmes dans l’agriculture est très important et en particulier dans l’élevage laitier, qui est la principale activité des femmes dans nos villages. Il est donc nécessaire d’accompagner cette filière. » – Nora Melikidze, éleveuse laitière à Chobareti en Géorgie
C’est dans ce cadre que l’agri-agence Fert, en partenariat avec l’AFD et l’entreprise Fromi[2], accompagne les éleveuses laitières géorgiennes au développement de leurs activités. Fert intervient en Géorgie depuis 2011, en accompagnement de l’équipe technique GBDC-AO et de l’association régionale d’agriculteurs et d’agricultrices Ertoba. Ensemble, ils ont initié un service de conseil laitier et prouvé qu’il était possible pour les producteurs et productrices de s’organiser.
Si aujourd’hui, les femmes ne représentent que 22 % des agriculteurs impliqués dans les activités proposées par le GBDC, Fert et ses partenaires géorgiens veillent à faire reconnaître le rôle des femmes dans la gestion des exploitations. Ainsi, elles sont de plus en plus nombreuses à bénéficier des conseils et de la formation afin d’innover et d’améliorer leurs pratiques. En particulier, les femmes sont très investies sur toutes les activités autour de la qualité du lait et la transformation fromagère.
[2]Fromi est une entreprise de négoce de fromage, qui soutient l’action de Fert en Géorgie en reversant 0,25€ à Fert pour 1 kg de fromage vendu de la marque Xavier David.
Dans le quotidien de Nora, éleveuse et membre d’Ertoba
Nora, éleveuse laitière membre d’Ertoba depuis 5 ans, témoigne de son quotidien de femme agricultrice géorgienne et des apports du service de conseil proposé par Ertoba.
Je m’appelle Nora Melikidze, j’ai 60 ans, et depuis 35 ans, je suis éleveuse laitière à Chobareti, en Géorgie. Sur ma ferme familiale avec mon mari, j’ai 3 porcs et 6 vaches laitières. Je m’occupe de faire les soins du bétail, l’entretien de l’étable, la gestion du fumier, la traite, la transformation et enfin, la vente des produits.
Avec le lait de mes vaches, je produis des fromages traditionnels géorgiens comme l’Imeruli, le Sulguni, le Chechili et particulièrement le Tenili, un fromage très spécial pour lequel je m’investis avec passion.
Chaque jour, dès l’aube, je prends soin de mes animaux, je traite mes six vaches laitières, puis je transforme le lait en divers produits : fromages, beurre et crème, selon la demande de ma famille et de nos clients. Je me charge aussi de la commercialisation de mes produits. L’été, je m’occupe également de mon jardin potager et de la culture des petits fruits. En général sur la ferme, les hommes effectuent le travail plus physique comme la préparation et le travail de la terre, l’épandage du fumier dans les champs, le transport du bétail au marché et la collecte du troupeau. Les femmes quant à elles s’occupent généralement de la fabrication des fromages. 70% des exploitations agricoles transforment le lait directement à la ferme.
Je suis devenue membre de l’association Ertoba il y a cinq ans. Cela m’a permis d’accéder à des formations et à de nouvelles connaissances et compétences grâce à l’accompagnement et au service de conseil des techniciens.
Ainsi, j’ai beaucoup changé mes pratiques. Par exemple, j’ai appris à tester le premier lait de la traite et à respecter de bonnes règles d’hygiène, utiliser de la présure naturelle dans mes fabrications pour améliorer le gout ainsi qu’aménager mon étable pour améliorer l’état sanitaire de mon troupeau. Grâce aux formations sur l’insémination artificielle, j’ai pu améliorer la productivité du bétail. J’ai également économisé du temps et de l’argent en participant à des achats communs. Grâce à l’organisation d’expositions-ventes par l’association, nous avons amélioré notre visibilité et attiré beaucoup de nouveaux clients.
En participant à des formations et en partageant nos expériences les uns avec les autres, nous avons l’occasion d’améliorer nos pratiques. Au départ, changer mes habitudes était difficile, mais en voyant les résultats positifs, je n’ai plus peur d’innover !
Depuis 3 ans maintenant, je m’implique plus spécifiquement dans le développement de la production du fromage Tenili : je suis très heureuse de faire partie de ce groupe et de chercher à faire grandir ce fromage très particulier. Avec les autres producteurs de Tenili, nous travaillons à la promotion et à la protection de ce fromage via une appellation. C’est une grande fierté de promouvoir ainsi une partie du patrimoine agricole géorgien.
Ce qui me plait dans mon travail, c’est quand je vois les résultats de mes efforts : j’aime quand un consommateur me fait un retour positif sur le fromage que je produis. Cela me donne une grande motivation à produire un fromage de qualité et sain. Et ainsi, je ne crains plus de vendre mes produits à un prix plus élevé que les autres fromagers, car j’ai confiance en leur qualité.
Cependant, je suis consciente que pour continuer à évoluer, nous devons améliorer nos conditions de travail, notamment en modernisant nos installations. Il est aussi crucial de structurer nos circuits de distribution afin d’accéder à des marchés plus larges et plus réguliers.
À toutes les jeunes femmes intéressées par l’agriculture, je conseille d’étudier, d’aimer profondément leur travail et de persévérer face aux obstacles. Le chemin peut être difficile, mais il est extrêmement gratifiant. Je leur souhaite courage, succès, et une détermination sans faille.
A l’image de Nora, elles sont quelques-unes à s’investir pour le développement de leur élevage. Pour réussir à ce que davantage de femmes suivent cet exemple et osent innover dans leurs fermes, Fert et ses partenaires poursuivront leurs efforts en sensibilisant techniciens et élus pour agir en faveur de l’équité et de la complémentarité entre femmes et hommes.
