Pourquoi vous êtes-vous engagé à participer à cette mission exploratoire au Kenya ?

Humainement cette mission a été très enrichissante ; c’était ma première mission en Afrique et je trouvais que c’était important de vivre ce type d’expérience. J’avais eu l’occasion d’aller au Brésil avec l’AGPM[1] il y a quelques années et j’ai retrouvé à Nairobi les standards des capitales d’Amérique Latine. C’est aujourd’hui un carrefour incontournable en Afrique de l’Est, notamment pour le monde anglo-saxon. On voit que le Kenya est un pays en mouvement. Et même si on note certains facteurs limitants, les gens vont de l’avant.

Dans le cadre d’un partenariat Fert/AGPM pour la conduite d’une mission exploratoire au Kenya, c’est en tant que membre du bureau que l’on m’a proposé de représenter l’AGPM pour cette mission.

J’ai été intéressé pour participer à cette mission afin de définir comment nous pouvions, nous agriculteurs français, apporter une plus-value dans le développement agricole des producteurs kenyans. Avec un peu de recul désormais [la mission s’est déroulée en juillet 2013], je peux dire que cette mission a répondu à mes attentes et les objectifs fixés pour cette phase exploratoire ont été atteints.

 

Quel regard portez-vous désormais sur cette filière céréalière kenyane ?

C’est une filière qui a un énorme potentiel de développement ; les Kenyans connaissent pourtant aujourd’hui un déficit de production chronique. Le maïs est l’aliment de base au Kenya et tout le monde en cultive au moins un peu. Mais en organisant la filière autour des agriculteurs, en termes d’approvisionnement, d’appui technique, de commercialisation, il ne manquerait pas grand-chose pour parvenir à une situation d’équilibre. Tout le monde fait le même diagnostic (producteurs, transformateurs, financeurs, Etat…) : il manque la volonté, ou plutôt la méthode, pour travailler ensemble. En regroupant leurs productions, les producteurs pèseraient plus sur le marché, supprimeraient des intermédiaires. Avec les nouvelles technologies, notamment la téléphonie mobile, des étapes peuvent être franchies plus rapidement pour y parvenir.

Notre interlocuteur sur place, la CGA[2], a la volonté d’aider les producteurs à s’organiser. Elle les accompagne pour qu’ils puissent se regrouper. Notre plus-value d’agriculteurs français pourrait être d’apporter un accompagnement méthodologique auprès de la CGA pour l’aider dans la structuration et l’organisation des producteurs.

A l’origine, la CGA était un syndicat de « colons blancs ». Pour autant, la CGA n’est pas restée ce syndicat d’élite et elle s’est ouverte aux autres producteurs. Dans cette ancienne colonie anglaise, on trouve une haute administration moins présente et une liberté d’entreprendre plus importante. J’ai été notamment frappé par le pragmatisme des acteurs et leurs capacités d’initiatives. Ainsi, en travaillant sur des typologies d’exploitations de tailles « moyennes », la CGA a conscience qu’ils pourront structurer la filière céréalière en professionnalisant les producteurs. Ces catégories « moyennes » représentent selon eux le bon niveau d’exploitations qui pourront ensuite tirer toute la filière.

 

En quoi considérez-vous la mobilisation des professionnels français par Fert comme une démarche pertinente encore aujourd’hui ?

Cette mobilisation est pertinente dans la complémentarité d’acteurs qu’elle met en présence : dans notre cas, nous avions un consultant/facilitateur qui avait une bonne expérience de l’Afrique, un bon réseau, un carnet d’adresses sur place ; l’assistant technique Fert qui apportait sa maîtrise du contexte et une expertise de la démarche Fert et de sa mise en œuvre  dans les pays du Sud ; et moi j’apportais la vision d’un professionnel maïsiculteur français et responsable d’une organisation professionnelle. En ce sens, j’ai pu apporter un témoignage sur la construction de nos organisations en France. Non pas pour les présenter comme un modèle parfait mais parce qu’il est intéressant d’échanger sur nos besoins, nos problématiques et faire part de notre expérience et des solutions que nous avons trouvées. J’ai pu aussi apporter l’avis d’un professionnel, une vision politique des équilibres à construire à l’échelle mondiale et de nos interdépendances pour parvenir à construire quelque chose ensemble. Avoir un professionnel dans une telle mission, ça crédibilise beaucoup l’échange. L’Assistant technique Fert et le professionnel agricole forment vraiment un duo complémentaire.

L’idée de mobiliser l’association syndicale (AGPM) dans ce type de projet est selon moi une bonne démarche, c’est en tout cas la démarche adoptée par Fert, association qui trouve ses origines notamment dans l’histoire de ces organisations professionnelles céréalières. Au-delà de la complémentarité dans l’action, Fert  reste ainsi connectée avec les organisations de filières en France, c’est un point essentiel tant les bénéfices de ces rapprochements sont réels.

 


1) Association générale des producteurs de maïs (France)

2) Cereal Growers Association (Kenya)