En Algérie, Fert accompagne l’Association Nationale des Apiculteurs Professionnels – l’Anap, jeune organisation créée en 2015 à l’initiative d’un petit groupe d’apiculteurs professionnels, originaires pour la plupart de la wilaya de Blida et soucieux de s’organiser pour faire face aux enjeux de la filière et notamment celui de la sélection génétique. 

Depuis 2018, l’Anap, en mobilisant des apiculteurs membres expérimentés et son technicien sur des tâches spécifiques, structure progressivement un réseau de stations de fécondation contrôlée (SFC), dont le rôle est de préserver les deux sous-espèces locales adaptées au contexte. Fin 2019, l’Anap accompagne au total six SFC dans la préparation et la mise en œuvre de leur plan de sélection.

Cet accompagnement s’articule autour de :

  • Formations pratiques en amont de la création de la SFC pour permettre aux apiculteurs de bien maîtriser les techniques d’élevage,
  • Une validation des étapes critiques tout au long de la mise en œuvre du plan de sélection par les apiculteurs de la SFC,
  • Un apport de matériel nécessaire au fonctionnement de la SFC,
  • Un suivi de l’analyse des résultats obtenus.

Au-delà des résultats obtenus sur la génétique, les 6 SFC ont suscité un fort intérêt des apiculteurs au niveau local. Les stations représentent en effet un espace d’échange entre apiculteurs, de perfectionnement sur les techniques d’élevage, mais aussi d’apprentissage sur les moyens de prévention et de traitement du varroa, parasite touchant très fortement les abeilles en Algérie et pouvant détruire totalement la population d’un rucher.

Les SFC deviennent ainsi progressivement le point d’ancrage de l’Anap sur le terrain, permettant de développer d’autres services de formation technique et d’organiser peu à peu la profession par la base. Quatre nouveaux groupements d’apiculteurs sont actuellement accompagnés par l’Anap sur les techniques d’élevage et la sélection de sites pour créer de nouvelles stations.

Les réflexions sont encore à mener, car une fois que les groupements auront validé leur plan de sélection, il faudra penser le mode de diffusion des reines sélectionnées. Les stations pourraient offrir des services viables de vente directe de reines issues d’espèces locales plus performantes (ou bien des services de fécondation) aux membres et aux autres apiculteurs.

Pourquoi la sélection ?

Les deux sous-espèces d’abeilles, connues sous le nom d’abeille noire tellienne et d’abeille jaune saharienne, sont menacées depuis plusieurs années par l’importation d’abeilles étrangères dans le pays par certains apiculteurs. Ces abeilles étrangères bien que plus productives dans leur région et bon marché ne sont pas adaptées au contexte algérien. Leur hybridation non contrôlée avec les sous-espèces locales pourrait conduire à leur disparition et menace l’ensemble de la profession apicole. 

Pour préserver son cheptel, un apiculteur peut mettre en place au niveau de son exploitation un plan de sélection. Toutefois ce travail mené individuellement se heurte rapidement au problème de consanguinité des colonies. Pour qu’un plan de sélection puisse fonctionner il est nécessaire de le mettre en œuvre sur plusieurs exploitations apicoles, permettant ainsi de garantir une diversité génétique contrôlée. La préservation des sous-espèces locales est donc un enjeu collectif.

Quel est le fonctionnement d’une SFC ?

Une SFC est une petite exploitation apicole collective, située dans un site suffisamment isolé des autres colonies (généralement en zone montagneuse ou oasis) afin d’éviter les pollutions génétiques, dans laquelle 5 apiculteurs ou plus mettent en œuvre ensemble un plan de sélection, suivant le processus suivant :

Quels résultats techniques ?

En 2018, trois stations ont été créées dans les villes de Médéa, Sidi-Bel Abbés et Yakouren. La création de ces stations a été facilitée par un travail important au niveau local des gérants de station, apiculteurs expérimentées et membres de l’Anap, qui grâce à leurs bonnes relations avec les autorités locales ont pu obtenir des sites pour héberger les stations et constituer un groupe d’apiculteurs motivés et capables techniquement de sélectionner les souches proches de l’abeille tellienne et de critères comportementaux souhaités.

Après une première saison, les analyses biométriques effectuées par le technicien de l’Anap sur les filles ont montré que dans deux stations les caractéristiques morphologiques correspondaient bien à la sous-espèce de l’abeille tellienne. Il faudra poursuivre la mise en œuvre du plan de sélection sur deux générations supplémentaires pour pouvoir valider les souches et les utiliser pour produire davantage de reines telliennes. Dans la troisième station les analyses ont révélé un éloignement important des filles des caractéristiques de la tellienne. Une pollution génétique provenant de ruches à proximité du site serait à l’origine de cet éloignement. Le travail devra être repris depuis le début dans cette station. Entre 2019 et début 2020, trois nouvelles stations ont été créées, une à Ghardaïa pour la sous-espèce jaune saharienne et deux à El Tarf et Souk Akhras pour la sous-espèce tellienne.