Pour sa 2ème édition, le succès et l’utilité de la foire agricole du Mont Meru ont été confirmés : près de 8 000 visiteurs sont venus pendant les 3 jours de la foire qui s’est tenue du 19 au 21 novembre 2015 à Kikatiti, dans la région d’Arusha. Une nouvelle occasion pour les agriculteurs locaux d’échanger entre eux et de s’informer auprès des nombreux exposants.

Voilà 5 ans que Fert travaille avec des groupes d’agriculteurs de cette région située dans le Nord de la Tanzanie. Ici les fermes s’étendent en moyenne sur environ 2 acres soit un peu moins d’1 ha, et les productions sont très diversifiées tant sur le plan végétal – maïs et haricots, bananes et café en cultures associées – qu’animal – vaches et chèvres laitières mais aussi poulets. C’est dans ce contexte que les agriculteurs accompagnés par Fert ont exprimé le souhait d’organiser une foire agricole afin de faciliter les contacts avec les différents acteurs de la filière agricole.

Dès lors, le Comité d’Organisation Juwame (pour « Jukwaa la Wakulima wa Meru », plateforme des agriculteurs du Meru en swahili) a vu le jour. Il est composé de représentants d’agriculteurs et a pour vocation de prendre progressivement en main de manière indépendante l’organisation de la foire.

Une diversité d’acteurs

Plus d’une cinquantaine d’exposants ont répondu présents : distributeurs de semences, d’engrais, de produits phytosanitaires, de matériel, des institutions financières, des organisations agricoles, mais aussi des représentants du gouvernement, des ONG, ou encore des organismes techniques.

Une diversité d’acteurs tant du secteur privé que du secteur institutionnel qui démontre l’attrait d’un tel rendez-vous professionnel dans la zone.

Des échanges fructueux entre agriculteurs et techniciens

Le stand de Fert, situé à l’entrée de la foire, était dédié aux agriculteurs de Meru et Siha. Plusieurs groupes d’agriculteurs dynamiques accompagnés par Fert se sont relayés pour montrer leurs productions et les thématiques sur lesquelles ils travaillent.

Parmi eux, Maffie Ndeshukurwa Samwel, agricultrice et membre du groupe Inawanko. Agée d’une trentaine d’années et choisie par son groupe, Maffie a suivi la formation des techniciens vétérinaires organisée par Fert en 2015. « Une formation un peu difficile, témoigne-t-elle, surtout pour apprendre les terminologies ; heureusement, je m’y retrouvais grâce à mes connaissances pratiques ! ». Maffie continue son activité agricole mais peut maintenant être contactée par d’autres agriculteurs « Quand un animal est malade j’y vais, si je vois que c’est trop compliqué, je joins le vétérinaire du gouvernement. » Des visites pour lesquelles elle reçoit une rémunération. Ses connaissances, qu’elle partage avec les autres agriculteurs, contribuent à « rendre plus durables nos pratiques vétérinaires » précise-t-elle.

Nassary Kahanankura Massawe a rejoint le groupe Mouwara il y 4 ans « pour partager les idées et les expériences et se former ensemble ; c’est aussi dans cet esprit que je viens à la foire ». Massawe ajoute : « Il y a un technicien dans chaque tente qui peut présenter les services et produits que son entreprise propose. Cette année, je suis allé voir les banques en particulier car je m’interroge pour faire un emprunt afin d’investir. J’ai pu comparer les produits et nouveautés qu’elles proposent et me faire mon propre avis ».

Massawe est là pour s’informer au maximum sur les techniques de production : « J’aime échanger avec d’autres agriculteurs comme moi parce que nous utilisons les mêmes mots. J’en ai rencontré un qui produit des légumes biologiques à un coût très bas : cela m’a donné des idées. Pour faire comme lui, je dois modifier mes techniques d’irrigation. »

Des conférences-débat appréciées

Temps forts de ces 3 jours de foire, 4 conférences suivies de débat ont remporté un vif succès. Les thèmes abordés étaient en lien avec les problématiques rencontrées dans le développement agricole local :

  • Faire de l’agriculture une activité lucrative,
  • Accéder aux services financiers,
  • Accéder aux intrants grâce à des achats groupés,
  • Implication des jeunes et des femmes dans l’agriculture.

Professeur à l’Université coopérative de Moshi, Damian Sambuo est intervenu sur l’accès aux services financiers par le biais d’un modèle collectif : le Vicoba (Village Community Bank), groupe d’agriculteurs officiellement enregistré qui permet de faciliter l’accès à des prêts, plus difficile à obtenir individuellement.

Stimuler l’installation des jeunes en agriculture

Comme dans beaucoup de pays en développement, le manque de professionnalisation de l’activité agricole freine son développement. Difficile en effet de sécuriser des débouchés quand on ne vend que ponctuellement le surplus de la production vivrière et aussi d’avoir les connaissances techniques suffisantes quand une multitude de productions sont présentes. Pourtant, le potentiel agricole est là ainsi que les débouchés. Gabriel Enock travaille chez Pass, une organisation privée qui aide les agriculteurs à monter leurs dossiers de prêt : « Cette foire est très utile pour stimuler les agriculteurs, pour leur montrer les possibilités de développement économiques qui existent, à condition qu’ils s’impliquent vraiment dans cette voie ». Jessica travaille pour la banque Vision Fund Tanzania, elle analyse : « Le problème est que les jeunes ne s’impliquent pas dans l’agriculture, ils y reviennent quand ils vieillissent. Le niveau de formation des agriculteurs s’élève, doucement, mais il y a tant de potentiel ! Un agriculteur formé saura mieux adapter ses pratiques aux aléas. Cette année par exemple, la saison des pluies s’est décalée d’octobre à novembre, il faut savoir choisir quelle est la variété de maïs la plus adaptée pour réussir. »

Une collectif organisateur qui évolue

Simon Ayo est le Président de Juwame, il est convaincu qu’un événement comme la foire est nécessaire : « Nous avons besoin de mieux connaître les organismes et les entreprises que nous pouvons solliciter localement pour développer nos activités, de pouvoir faire le choix sur la qualité et le prix de nos intrants. Nous avons besoin de voir ce qu’il est possible de faire avec nos entreprises. »

Pour la prochaine foire, il lui paraît essentiel de poursuivre les séminaires, d’essayer d’attirer d’autres exposants, comme un ou deux concessionnaires de matériel de plus afin de pouvoir comparer leurs produits.

 « Nous préparons la foire au rythme d’une réunion trimestrielle et une réunion mensuelle les 3 derniers mois. Notre défi d’ici l’an prochain est de déposer les statuts de Juwame afin qu’elle devienne une association officiellement reconnue par le gouvernement et puisse ainsi bénéficier de son soutien. »

Simon Ayo est conscient qu’il faut encore améliorer la communication afin que tous les agriculteurs de la zone soient informés au mieux de la tenue de la foire.
Cette année, l’exposition d’animaux a fait son apparition avec un couple de chèvre et des poulets, ce qui a été apprécié. Des agriculteurs ont fait part de leur intérêt de voir plus d’animaux et des vaches notamment lors des prochaines éditions. Organiser des tests en champ à proximité pourraient également faire partie des activités envisagées. Mutungi, technicien chez Fert, souhaite l’an prochain informer plus tôt les agriculteurs pour qu’ils renforcent leur implication dans l’événement notamment dans la présentation de leurs activités.