Au mois d’octobre 2025, Andry Rasamimanana, responsable du Centre Ceffel à Madagascar, s’est rendu au Maroc pour participer au séminaire international du réseau FAR sur l’agroécologie, puis à trois jours d’échanges techniques autour de la fertilité des sols avec l’équipe de Fert Maroc.
Une contribution remarquée au séminaire du réseau FAR
Le séminaire international « Former aux transitions et à l’agroécologie », organisé du 6 au 8 octobre 2025 à l’École Nationale d’Agriculture de Meknès (Maroc), a réuni un large éventail d’acteurs du monde agricole, éducatif et institutionnel. Cet événement s’inscrivait dans une dynamique de réflexions et d’échanges autour des enjeux de transition agroécologique dans les pays du Sud.
Invité comme paneliste à deux tables rondes, Andry Rasamimanana a mis en lumière l’expérience de Ceffel, et plus largement des OP du groupe Fifata, en matière de formation agricole et de recherche-action.
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La première table ronde, consacrée au rôle des organisations paysannes, fut l’occasion de présenter le modèle d’exploitation pédagogique du Ceffel et son réseau de 350 paysans relais. Ce dispositif a permis des résultats tangibles : +20% de rendements, -30% de charges en intrants et une forte appropriation des pratiques agroécologiques par les paysans formés.
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La seconde table ronde, axée sur les approches pédagogiques, a permis de valoriser le modèle de formation intégré du groupe Fifata incluant les collèges agricoles Fekama (formation initiale de 3 ans et formations courtes), Cap Malagasy (conseil agricole) et des dispositifs de formation des leaders paysans. L’agroécologie est au cœur des programmes de formation des jeunes avec 50% du temps consacré à la pratique sur les exploitations pédagogiques des collèges agricoles Fekama. Une approche qui porte ses fruits : 86% des jeunes formés s’installent en agriculture, majoritairement dans des systèmes agroécologiques.
Ces dispositifs, soutenus par Fert et ses partenaires publics et privés, contribuent à la réussite d’une nouvelle génération d’agricultrices et agriculteurs engagés et à faire de Ceffel un acteur clé de la transition agroécologique à Madagascar.
Au-delà des tables rondes, une déambulation a permis de découvrir 17 présentations autour de l’agroécologie. Des visites terrains étaient également organisées et Andry Rasamimanana a pu visiter une ferme agroécologique membre du Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc.
De ces échanges se sont distingués plusieurs points clés pour accompagner les transitions agroécologiques comme l’importance de la réalisation d’un diagnostic préalable ou la nécessité d’intégrer une dimension culturelle et sociale dans les projets.

Créée en 2006 à l’initiative de Fifata et Fert pour répondre à la demande des producteurs, l’organisation paysanne spécialisée Ceffel est aujourd’hui reconnue comme un acteur majeur des filières fruits et légumes et des pratiques agroécologiques à Madagascar. Son Centre d’Expérimentation et de Formation en Fruits et Légumes, doté d’une exploitation de 20 ha, sert de support essentiel à la transmission et aux innovations. Son pilotage par la profession et son ancrage au sein du groupe Fifata lui permettent de répondre de manière concrète aux besoins des producteurs malgaches.
Valoriser la présence d’un agronome malgache sur le territoire marocain : Rencontre avec Fert Maroc
Après le séminaire FAR, Andry Rasamimanana a accepté de poursuivre son séjour jusqu’au 11 octobre 2025 auprès de Fert Maroc pour partager ses expériences sur la fertilité des sols. Les objectifs étaient d’une part de mieux comprendre les contextes agronomiques marocains et d’observer les pratiques agricoles locales, et d’autre part d’échanger sur les pratiques de gestion de la fertilité et de partager des outils simples de diagnostic de la santé des sols.
Dans les régions de Taza et Tissa, Andry Rasamimanana a rencontré des producteurs et techniciens marocains, découvrant les réalités de l’agriculture en contexte semi-aride : sols calcaires, ressources hydriques limitées, climat sec… Les échanges se sont appuyés sur des profils de sols, des tests de pH, et surtout la réalisation de diagnostics participatifs, à l’aide de pelles et de bon sens.
Cette approche a suscité un intérêt fort de la part des producteurs qui ont pu comparer leurs sols et identifier eux-mêmes les leviers d’amélioration, comme l’amendement en matière organique et compost ou la gestion raisonnée de l’eau.
Une séance finale à Fès, au siège de Fert Maroc, a permis de restituer les observations et d’ouvrir des pistes d’adaptation au contexte marocain, notamment autour du compost, de la sécurisation des ressources organiques et des techniques de conservation de l’humidité.
« Observer, creuser, toucher le sol avec les producteurs marocains a été une expérience marquante. Les tests simples de terrain ont libéré la parole, éveillé la curiosité et donné confiance aux agriculteurs pour comprendre leur sol. J’ai découvert des producteurs passionnés, ouverts au dialogue et à l’expérimentation. Cette mission a renforcé la conviction que l’agroécologie se construit avant tout dans l’échange entre pairs et la mise en pratique collective des savoirs. »
Des enseignements partagés et un apprentissage mutuel
Les agriculteurs marocains ont montré une réelle envie de tester et d’adapter les pratiques présentées. Les expériences du Ceffel ont inspiré de nouvelles pistes de travail pour l’équipe de Fert Maroc : mise en place de parcelles de démonstration, suivi participatif de la fertilité des sols, et renforcement des échanges techniques entre régions et entre acteurs.
« On dit souvent que l’eau est l’élément primordial et vital de l’agriculture mais lors de cette mission avec les équipes Fert et Fert Maroc, Andry et les agriculteurs, nous avons parlé du sol comme moteur et support de vie pour la faune et la flore.
Pour nous, l’échange et le partage d’expérience entre Madagascar et le Maroc étaient plus qu’une formation : c’était une source d’inspiration et d’espoir, une occasion avec les agriculteurs pour se reconnecter au sol et l’observer. Cela nous a permis notamment de comprendre que si nos sols sont vivants, nous pouvons continuer à vivre et à cultiver.
Ces échanges ont renforcé notre savoir-faire en fertilité du sol et autour de l’agroécologie. Cela a éveillé chez nos agriculteurs à Taza et Taounate une conscience nouvelle : la sécheresse n’est pas notre seul défi. La santé du sol est aussi cruciale. Nous avons également redécouvert des pratiques agroécologiques ancestrales, oubliées au fil du temps, mais qui pourraient bien être valorisées. Depuis la visite d’Andry, les animateurs continuent les échanges sur le terrain et ensemble ils ont lancé des actions concrètes, notamment la fabrication de compost. »
Former, échanger, expérimenter : c’est tout le sens de l’échange entre pairs. L’observation directe, les discussions sur le terrain et la mise en pratique d’outils simples favorisent une appropriation concrète des enjeux de fertilité. Ces échanges ont permis de rapprocher des structures partageant une vision commune : promouvoir des systèmes agricoles plus résilients, durables et respectueux des sols. Au-delà des aspects techniques, cette collaboration a aussi mis en lumière la force des approches par la pratique et des échanges entre pairs pour renforcer les capacités locales et stimuler l’innovation : une expérience concrète de coopération Sud-Sud au service des producteurs et de la transition agroécologique.
Cette mission a été rendue possible grâce au soutien de Fert Maroc, du Réseau FAR, de l’AFD et AECID/AgriCord





