La revue de la Délégation de l’Union Européenne a recueilli le témoignage de Serguey Tarasiuk, Directeur de la Fondation internationale de développement des territoires ruraux (IFRD), partenaire de Fert en Biélorussie auprès des acteurs ruraux des territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl.

« Le bonheur, c’est quand votre travail semble être un loisir » disait l’un de mes formateurs, une personne incroyable. Aujourd’hui, je suis un professionnel épanoui.

 

Agronome de formation, j’ai soutenu ma thèse de doctorat à l’Institut de pédologie et d’agrochimie de Minsk. J’ai travaillé ensuite dans le laboratoire qui s’occupait notamment des questions de radioécologie, c’est-à-dire tout ce qui concernait la radioprotection en agriculture sur les territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl. A cette époque, j’ai fait la connaissance d’une équipe de chercheurs français qui travaillait avec le soutien de la Communauté Européenne sur les conditions de vie de l’Homme dans ces territoires. Ils tentaient de comprendre les situations dans lesquelles les gens s’étaient retrouvés après l’accident et comment ils s’étaient adaptés.

Ils ont essayé de répondre à la question « Que faudrait-il faire pour que les gens vivent mieux sur les territoires de Tchernobyl ? »

Au départ, nous avons commencé par une simple collaboration et au fil du temps, ce travail a évolué vers un projet significatif qui a été réalisé dans le cadre du Programme Core, financé notamment par la Communauté Européenne. Dans ce programme conséquent, nous étions responsables du soutien aux initiatives économiques des habitants. Pour la majorité de la population rurale, la question des revenus est la question prioritaire, car dans ces territoires les revenus sont particulièrement faibles. Dans notre mission auprès d’eux, nous avons soutenu différentes initiatives d’amélioration des conditions de vie.

Avec le soutien de Fert, nous avons mené une expérimentation : nous avons donné aux habitants des semences de pommes de terre pour semer sur un hectare et nous les avons aidé à mettre en œuvre les meilleures techniques de production dans leur contexte. Ils ont vite constaté que sur la parcelle expérimentale, le rendement dépassait de 3 à 5 fois celui de leurs parcelles traditionnelles. Ils ont donc rapidement manifesté de l’intérêt et de la motivation. Stimulés par ces performances, ils ont voulu multiplier cette technique sur toute leur exploitation. Parallèlement, nous les incitions à échanger sur leurs problèmes et à mettre en place ensemble des solutions notamment dans le domaine du crédit en créant des commissions de crédit plus à même de négocier avec la banque qu’une personne isolée. Aujourd’hui, le dispositif qui permet d’octroyer des microcrédits à la production agricole est opérationnel.

Quand les gens ont exprimé leurs besoins de conseil et d’information, nous les avons aidés à créer des centres de développement rural. Le premier d’entre eux, le Centre de soutien à l’agriculture et à l’entreprenariat du district de Stolyn a été créé en 2006. En 2007, c’est la Fondation locale du développement des territoires ruraux « Renaissance Agro » qui a vu le jour à Slavgorod.

Au niveau national, leurs intérêts sont représentés par la Fondation internationale de développement des territoires ruraux (IFRD) que je dirige. Notre mission est d’aider les gens à réaliser leurs initiatives sociales et économiques. D’une manière générale, le travail effectué avec eux a pour objectif d’impacter significativement leur qualité de vie.

En premier lieu, les actions sont de nature technique comme pour les pommes de terre. Dans un deuxième temps, l’action prend un tour plus organisationnel ; il s’agit d’amener les personnes à raisonner en groupe, pour résoudre des problèmes qui concernent tout le village. Finalement, les gens commencent à évoquer des questions du type « Comment pouvons-nous poursuivre ce développement ? Si nous développions l’agrotourisme, qui viendrait jusqu’à chez nous? Où nos enfants vont-ils faire leurs études? ». Ainsi, la résolution des problèmes économiques aide les gens à résoudre également leurs problèmes sociaux. C’est là la base de « l’approche territoriale» : pour régler les problèmes les plus importants de chaque habitant d’un espace rural, il faut parvenir à réunir les personnes à l’échelle du territoire.

Un projet triennal, cofinancé par la Commission Européenne, a été mis en place depuis plus d’un an à Stolyn. Nous espérons que pendant cette période, les participants réaliseront toutes les initiatives qu’ils ont exprimées. A l’heure actuelle, 4 projets locaux sont déjà approuvés, ils sont désormais en cours d’instruction afin d’obtenir un financement. Parmi eux, on retiendra la création du centre d’information et d’éducation à l’école, qui était menacé de fermeture, ou encore la création d’une association d’éleveurs de volailles qui cherchent à améliorer leur production, l’aménagement des villages ou des sources… Toute une série d’autres demandes sont encore en discussion.

Je n’ai jamais abordé ces questions de manière classique (type question-réponse). Ce sont plutôt pour moi de simples étapes dans un processus qui est pris en main par les gens. Je ne prends aucune décision seul dans mon bureau. Je commence d’abord par aller voir les habitants de ces zones rurales et je parle avec eux ; cette approche est fondamentale pour moi.